C’est au début du XXème siècle que des pédagogues, des médecins, des psychologues, des philosophes ou des parents, s’interrogèrent sur les différents systèmes scolaires en pratique dans les pays de l’Europe toute entière (ouest, centrale et est) et dans les pays anglo-saxons. Leurs observations de l’enfant les amenaient à constater l’inadaptation de ces systèmes au développement naturel et social des enfants et à proposer des pistes de recherche aux praticiens. Les uns s’orientèrent vers la mise au point de techniques nouvelles, ou des divers matériels d’apprentissage ; d’autres affirmèrent qu’il s’agissait essentiellement de changer la mentalité des éducateurs et, tout d’abord, leur regard sur l’enfant.

Parmi eux, Roger Cousinet, fondait en 1920 l’association « La Nouvelle Éducation » qu’il a animé jusqu’à l’interruption de la guerre en 1939.

Le mouvement de l’Éducation Nouvelle naît à la confluence de la réflexion et des questionnements de ces penseurs, médecins, philosophes, pédagogues et se structure réellement au début du XXème siècle, lors, entre autres, de la création de la ligue internationale de l’Éducation Nouvelle (LIEN) en 1921, s’appuyant sur la charte de l’Éducation Nouvelle rédigée par Adolphe Ferrière en 1915. Les éducateurs du monde entier viennent y présenter leur travaux en congrès.

Ovide Decroly, pierre Bovet, Béatrice Ensor, Edouard Claparède, Paul Geheeb et Adolphe Ferrière

Ce mouvement s’inscrit dans une critique du système scolaire et des principes d’éducation d’alors, et valorise des initiatives pédagogiques originales. Il s’agit de s’appuyer sur les ressources et la créativité de chaque enfant, dans le respect des étapes de son développement.

L’Éducation nouvelle prône une éducation globale de l’enfant, où toutes les disciplines ont leur place, qu’elles soient artistiques, physiques, manuelles, scientifiques ou sociales, pourvu qu’elles contribuent à faire émerger les qualités et compétences d’un sujet libre et conscient de ses savoirs.

L’enfant participe activement à la construction de ses apprentissages : l’enseignant favorise l’exploration, le tâtonnement, l’expérimentation et la coopération.

La guerre de 39-45 vint interrompre presque toutes ces tentatives, mais dès 1945, ces novateurs ouvrirent des écoles, relancèrent des revues, organisèrent des rencontres….

Aux lendemains de la première guerre mondiale, comme le dit Philippe Meirieu « Dans une Europe traumatisée par la Première Guerre Mondiale (..), l’Éducation nouvelle apparaît alors comme un antidote à toutes les formes de « dressage », génératrices d’agressivité et de violence. ».

Il y a l’espoir de contribuer à former des êtres et une société plus fraternelle, pacifiée et démocratique. C’est pourquoi l’accent est mis sur l’apprentissage de la vie sociale, du collectif pour faire émerger des règles communes, des pratiques qui forment le futur citoyen.

Ainsi Roger Cousinet et François Chatelain ouvrirent une école Nouvelle à Meudon, et fondèrent un mouvement et une revue : « L’École Nouvelle Française ».

Roger Cousinet écrivait ses premiers livres : La vie sociale des enfantsUne méthode de travail libre par groupesPédagogie de l’apprentissage, dans lesquels il considérait l’enfant comme un apprenti, et définissait les différentes façons d’envisager l’acte d’apprendre.

D’autres Écoles Nouvelles ouvrirent leurs portes dans différentes régions, à l’initiative de parents, d’équipes d’enseignants, de praticiens, de chercheurs….

En région Parisienne ce fût Emilie Brandt qui ouvrit une nouvelle école à Neuilly. Celle-ci s’installera en 1952 dans des locaux plus grands à Levallois Perret, sous l’égide de Marie Emilie Roustin. Cette femme énergique, et grande pédagogue, se battra pour que la pédagogie de l’école soit reconnue par l’Education Nationale. Elle obtiendra dans les années 1960 le premier contrat d’association avec l’Etat. (Emilie Brandt fît partie des pédagogues précurseurs de l’éducation nouvelle: En 1914, elle créa son premier jardin d’enfants, à la maison d’enfants de Thivet (Haute-Marne), puis en 1922, elle fondit la première Ecole Nouvelle à Strasbourg. C’est elle qui sera à l’initiative de la première école de jardinières d’enfants en France en 1929 . Elle rencontra Maria Montessori avec qui elle partagea les valeurs qui sous-tendront sa pédagogie. Pendant la guerre, Emilie Brandt continua son travail jusqu’à son arrestation en 1944 pour faits de résistance.)

Nina Rist, jardinière d’enfants, élève d’Henri Wallon, découvrit à Genève « La maison des petits », école d’application de l’Institut Jean Jacques Rousseau dirigé par Pierre Bovet et la pédagogie nouvelle. Après la guerre elle travaillera à l’école Alsacienne, puis en 1954, elle rejoindra l’école du Père Castor. Cette école, créée en 1947 par Paul Fauchet – alias le père Castor – avait un programme pédagogique axé sur une réelle autonomie de pensée et d’action, l’expression libre, la peinture, la musique. On retrouvait aussi les démarches pédagogiques d’ Ovide Decroly, de Maria Montessori, l’imprimerie de Célestin Freinet. En 1961, l’école du Père Castor ferma. Nina Rist ne pu se résoudre à cette fermeture, et avec le soutien de Noël Rist et d’un groupe de parents, ils cherchent une solution. C’est ainsi que se crée une association loi 1901 à but non lucratif dénommée  » Centre de Recherche en Pédagogie Active  » (CRPA). Ce centre aura une école qui suivra une ligne pédagogique née de celle du père Castor, accueillera des stagiaires et fera connaître les méthodes nouvelles. Nina recherche un lieu qui ne ressemblera pas à une école mais à une maison qui aura une âme. L’école d’Antony, la maison qui n’était pas une école, devait être ce lieu.

N R quant à elle créa l’école aujourd’hui en 1975, à Paris.

A Toulouse, Marie de Vals, élève de Roger Cousinet créa l‘école Nouvelle de La Prairie, en 1969.

En région Lyonnaise, Françoise Jandin et Denise Poirieux, élève de Mme Lebel, amie de Maria Montessori, créèrent l’école nouvelle de Chapoly en 1963. Marguerite Bernard formée également par Renée Lebel, créa l’école Nouvelle de la Rize.

En 1969, ces Écoles Nouvelles s’associent pour constituer l’ANEN : Association Nationale pour le Développement de l’Éducation Nouvelle. Des étapes successives de 1975 à 2000, lui ont permis d’organiser la formation autour de l’échange de pratique et de la pédagogue Sylvia Wehreim, et d’obtenir une subvention du ministère.

C’est en 2012 que l’ANEN a souhaité élargir ses statuts, en permettant l’adhésion de tout établissement se reconnaissant de l’Éducation Nouvelle et de la charte de l’ANEN (l’adhésion à l’association n’est alors plus réservée aux écoles).

L’aventure de l’Éducation Nouvelle continue, enracinée dans ces établissements qui sont un riche terrain pédagogique d’expérimentation et de construction de pratiques pédagogiques innovantes.


« L’Éducation Nouvelle, dit Roger Cousinet, ne comporte pas de système, ce n’est pas un ensemble de règles ou de procédés, ni même de méthodes…. C’est un esprit, on ne peut prendre une part de cet esprit. On le fait sien tout entier ou on lui demeure étranger. »